EDITION DU VENDREDI 06 JUIN 2025
Il suffit parfois d’une expression habilement lancée pour installer un nouveau récit politique. "Camp de la patrie" : tel est le mot brandi par Martin Fayulu à la sortie de sa rencontre avec le Président Tshisekedi. Un mot à l’apparence noble, rassembleuse, voire salvatrice, dans un pays enfoncé dans la crise. Mais à y regarder de près, cette formule pseudo savante apparaît comme une coquille vide, un miroir aux alouettes , un fourre-tout dont la classe politique congolaise a le secret. Derrière cette rhétorique d’unité nationale se cache en réalité une manœuvre politique qui, au lieu d’éclairer le chemin de la reconstruction, risque d’obscurcir davantage la voie de la vérité.
Car enfin, que signifie réellement ce "camp" ? Qui en définit les contours ? Quels en sont les principes, les lignes rouges, les priorités ? Rien n’est dit. Rien n’est fixé. C’est là tout l’avantage d'un mot abscons : il éblouit, il séduit par son flou , par son charme mystérieux , il rassemble par sa vacuité. On peut y projeter tout et son contraire — un front républicain, une plateforme électorale, un pacte social, voire une cohabitation silencieuse entre adversaires d’hier. Mais ce que l’on ne dit pas, c’est que ce flou sert surtout à neutraliser les contradictions, à désarmer les revendications légitimes, et à masquer les responsabilités!
Le recours à une telle formule intervient au moment où le pouvoir moribond est acculé par les faits : situation sécuritaire incontrôlable à l’Est, contestation sociale, promesses non tenues, et institutions discréditées. Recevoir Martin Fayulu, dans un décor solennel, relève moins du sursaut démocratique que d’une opération de communication politique. Le pouvoir y gagne en légitimité apparente, l’opposition en visibilité chimérique. Mais le peuple, lui, n’en tire ni clarté ni justice. Cette rencontre n’engage personne sinon les deux "compères" . Elle occulte les vraies questions : que fait-on de la vérité des urnes, du sort des prisonniers politiques, de l’absence de réformes électorales sérieuses ?
Pire , le tunnel dit "camp de la patrie", ci présenté comme une nième voie , une issue de secours de fortune , dirions-nous, menace au contraire d’engloutir les dernières forces morales du pays. En appelant à une médiation religieuse sans mandat clair, on court le risque de transformer les évêques de la CENCO et les pasteurs de l’ECC en simples accompagnateurs d’un théâtre politique. Or leur rôle n’est pas de bénir des arrangements entre élites, mais de défendre les valeurs : vérité, justice, dignité humaine. Une "cohésion nationale" fondée sur le silence ou le compromis tiède avec l’injustice ne sauvera pas la nation, elle l’affaiblira davantage.
Le Congo n’a pas besoin de concepts mous, ni de rassemblements opportunistes. Il a besoin d’actes fondateurs, de courage politique, de décisions difficiles. Le vrai camp de la patrie ne se décrète pas dans les salons feutrés du pouvoir : il se construit dans l’épreuve de la vérité, dans le refus de l’impunité, dans la défense des sans-voix. Tout le reste, y compris ce slogan creux, n’est qu’un rideau de fumée destiné à prolonger l'agonie d'un ordre politique grabataire .
L’histoire retiendra ceux qui auront préféré le courage à la confusion.
Par la rédaction
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