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Sud -Kivu:Les marchés s’éteignent sous l’ombre de l’insécurité
Dans le territoire de Walungu, à environ une trentaine de kilomètres de Bukavu, la cité de Nyangezi traverse une période sombre. Autrefois vibrant au rythme des échanges commerciaux, son marché Munya ne ressemble plus qu’à une coquille vide.
L’énergie quotidienne, qui faisait de ce lieu un centre économique incontournable du milieu rural, semble s’être volatilisée, emportée par un climat d’insécurité qui gangrène peu à peu la vie locale.
Les allées du marché sont clairsemées. Quelques vendeuses de manioc, légumes ou poissons fumés, assises à l’ombre scrutent l’horizon dans l’attente des clients qui n’arrivent pas.
« Il n’y a plus de monde comme avant », murmure l’une d’elles. Le vide n’est pas que physique. Il est aussi émotionnel. Même les quelques transactions qui s’opèrent se font dans le silence. Les échanges sont rapides, méfiants. L’insécurité a pris racine jusque dans les gestes les plus simples.
Le poids invisible de la peur
Chaque regard dans ce marché semble chargé d’une même émotion: la peur. Peur des rumeurs, des enlèvements, des vols à main armée. Peur des déplacements massifs, comme cela s’est déjà produit dans d'autres localités du Sud-Kivu. Les témoignages, souvent décousus, révèlent des récits de détresse.
« Je vends habituellement entre 2 et 3 sacs de farine par jour, mais aujourd’hui je suis face à un sac après 3 jours, ceux qui devraient acheter ne sont pas là. La famine menace de nous tuer, tous les habitants de Nyangezi ont fui », témoigne une vendeuse.
Derrière ce discours confus se dessine une réalité bien concrète: l’isolement. Dans plusieurs zones de Walungu, les réseaux téléphoniques sont devenus instables, parfois totalement coupés. Ce manque de communication accroît l’angoisse des populations, incapables de prévenir les dangers ou de s’organiser face aux urgences.
Une insécurité qui étouffe l’initiative
Malgré tout, des habitants continuent à se battre pour survivre. Certains, comme le souligne une vendeuse, « ont fait des efforts pour faire des choses », notamment: cultiver, récolter, transformer, vendre. Mais ces efforts restent souvent vains. Les routes sont devenues dangereuses, les trajets vers Bukavu ou Kamanyola se font au péril de la vie. Et sans acheteurs, sans commerçants itinérants, sans transporteurs, l’économie s’étouffe dans un cercle vicieux.
« J’ai réussi à réunir un capital de 40.000fc que j’ai attaché au pagne. Lorsque les balles commencent à tirer, je fuis et à mon retour, j’essaie de voir quoi mettre dans les légumes que je prépare pour les enfants, jusqu’à ce que la situation redevienne normale », confie une vendeuse de farine.
Un appel au réveil
Aujourd’hui, Nyangezi ne demande pas l’aumône. Ses habitants réclament avant tout la sécurité. La protection de leurs routes, de leurs vies et de leur dignité. Ils veulent pouvoir commercer sans craindre les armes, cultiver leurs champs sans craindre les pillages. Il est urgent que les autorités, les forces de sécurité, mais aussi les organisations non gouvernementales réagissent.
La Rédaction