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Edition du samedi 21 juin 2025

Bukavu : Les artisans entre incertitudes, insécurité et espoir

Bukavu, capitale du Sud-Kivu, est connue pour son dynamisme artisanal et sa créativité populaire. Pourtant, depuis plusieurs mois, une profonde crise secoue le secteur de l’artisanat local.

Dans les rues des quartiers comme Cimpunda, Kadutu ou encore Bagira, de nombreux artisans vivent un ralentissement brutal de leurs activités, provoqué par un contexte sécuritaire alarmant et un isolement économique progressif.

Les routes qui relient Bukavu à l’intérieur de la province, notamment vers Shabunda, Walungu ou Mwenga, sont aujourd’hui devenues inaccessibles. En cause : l’intensification des conflits armés, les attaques de groupes armés, les embuscades, et les pillages sur les axes routiers.

Cette insécurité empêche les commerçants et les clients de se déplacer librement, affectant gravement la chaîne d’approvisionnement et la mobilité économique. Pour les artisans, cela signifie moins de clients, moins de matières premières, et donc moins de production.

Un métier en perte de vitesse : le témoignage de Toussaint Ngundika

Toussaint Ngundika, jeune artisan d’une trentaine d’années, fabrique depuis plus de quatre ans des verrous et autres articles métalliques à la main dans son petit atelier situé sur l’avenue Tubimbi à Cimpunda. 
Son métier, il le pratique avec passion, et il s’était bâti une clientèle fidèle, notamment parmi les habitants des zones rurales. Mais aujourd’hui, il assiste, impuissant, à une baisse vertigineuse de la demande.

« C’est la première fois que je vis une telle situation. Les gens ne viennent plus, parce qu’ils ont peur de voyager. Même les commandes ont chuté. Je ne peux plus envoyer mes produits vers l’intérieur, les routes sont trop dangereuses », explique-t-il d’un ton inquiet.

Ce recul des activités a des conséquences directes sur la vie quotidienne : chute des revenus, difficulté à nourrir sa famille, incapacité à épargner ou à investir dans de nouveaux outils. Plusieurs de ses collègues artisans ont d’ailleurs déjà abandonné le métier, poussés par la pauvreté ou le désespoir.

Résilience et espoir d’une jeunesse debout

Malgré ce contexte particulièrement difficile, Toussaint garde l’espoir chevillé au corps. Tous les matins, il ouvre son atelier, même si aucun client ne se présente. Il continue à produire, à travailler le métal avec patience et persévérance.

« Je crois en la force de mon travail. Je sais que cette crise ne va pas durer éternellement. Un jour, la paix reviendra et nos affaires vont redémarrer. On ne peut pas baisser les bras », confie-t-il.

Son engagement symbolise la résilience d’une jeunesse congolaise souvent oubliée, mais qui continue de lutter contre vents et marées. Il incarne cette génération qui, malgré les contraintes, continue de créer, de servir, de rêver.

Un cri d’alerte silencieux

Le cas de Toussaint n’est pas isolé. Dans toute la ville de Bukavu, des centaines d’artisans menuisiers, soudeurs, mécaniciens, tailleurs, cordonniers partagent les mêmes difficultés. Cette situation devrait alerter les autorités sur la nécessité de sécuriser les routes et zones rurales pour rétablir les échanges économiques, soutenir financièrement les petits métiers à travers des microcrédits ou des subventions et valoriser l’artisanat local comme pilier de l’économie de survie urbaine.

Article produit dans le cadre du Projet Habari Za Mahali du Consortium RATECO-REMEL avec le soutien de Media4dialogue de la Benevolencja

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